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CHRONIQUES

nouvelles. — L’homme du vingtième siècle ne parlera pas assurément comme celui du dix-neuvième, et nous sommes loin de parler aujourd’hui comme le faisaient nos ancêtres ; mais la langue française conservera, tant qu’elle existera comme forme distincte, son caractère essentiel, sa tournure, sa physionomie, l’ensemble de ses traits.

Le malheureux qui dit la traine pour le train, ne cesse pas d’être français parce qu’il n’est ni grammatical, ni exact ; et personne n’empêchera le peuple de franciser à sa façon les mots, étranges pour lui, qu’il entend dire, pourvu qu’il en connaisse le sens. Nous-mêmes, gens communément appelés instruits, qui parlons une langue monstrueuse, qu’y a-t-il cependant de plus vraiment français que nous ?

Il en sera ainsi pendant bien des siècles encore, jusqu’aux dernières générations de l’homme conservant son organisation actuelle ; aucune forme ne se perd. On a beau dire que l’avenir du monde appartient à la race saxonne ; il se dit bien d’autres absurdités ! Autant vaudrait prétendre que la terre est le domaine d’une classe d’êtres spéciales et que l’infinie variété des produits de la nature ne convient qu’à une seule espèce. Au contraire, plus l’homme se perpétuera et multipliera, plus augmentera le nombre, la diversité des types humains. Le développement actuel de la race saxonne n’est autre que la prédominance du progrès matériel ; il est utile, il est nécessaire au progrès général, mais seulement pour une période plus ou moins prolongée. Dans le mouvement ascensionnel, indéfiniment multiple de la grande famille humaine, quelle race peut prétendre longtemps à primer toutes les autres ? Déjà la race saxonne donne elle-même des signes d’affaiblissement manifestes ; dans les pays où elle se propage, en dehors de son foyer propre, elle a déjà reçu des