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CHRONIQUES

Ah ! c’est ici que je reconnais l’étonnante supériorité du canadien-français. « Notre langue ! que signifie-t-elle, se dit-il dès lors qu’elle ne peut plus servir aux trois-quarts des choses qu’il nous faut exprimer journellement ? Nos institutions ! qu’est-ce que c’est ? où sont-elles ? on ne les voit plus que dans la devise du Canadien, de Québec, devise noble, s’il en fût, mais fort incomplète, puisqu’elle ne représente que le passé. Nos lois figurent aussi dans cette devise patriotique ; mais, qu’est-ce encore ? Sans aucun doute les lois subsistent tant qu’on ne les détruit ou qu’on ne les modifie pas. Mais quel est donc le peuple, dans cet âge de changements profonds et rapides, qui ne modifie pas ses lois de façon à les adapter aux conditions nouvelles de la société ? Quel est donc le peuple qui change ou détruit ses lois pour le simple plaisir de le faire ? Qu’est-ce qu’une devise peut ajouter, que peut-elle retrancher de plus ou de moins aux circonstances de la vie politique ? Les lois, les institutions, la langue, tout change ; et, si elles seules devaient rester immuables, il y aurait une confusion, une anarchie qui serait pire, que le chaos, si seulement elle était possible. »

Qui songe à attaquer les lois, qui songe à attaquer les institutions existantes et utiles ? Et qui pourrait nous ravir notre langue, si nous y tenons nous-mêmes ? Préjugé, préjugé ! Pense-t’on qu’une devise empêche ce qui est ? Pense-t’on qu’elle ne forme pas un contraste brutal entre l’époque d’où elle est sortie et ce qui se passe sous nos yeux depuis vingt-cinq ans ? Quelles lois, quelles institutions voulez-vous dire ? Celles du passé ? cherchez-en les débris. Quant à la langue, elle est immortelle dans son essence et par son génie propre, quelques nouveautés qu’on y ajoute, quelque altération qu’elle subisse du temps, des besoins et des créations