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le préjugé.

sumé en quelques mots de la sagesse et de l’expérience des nations ? Ce qu’on prend la peine de formuler avec une concision et une netteté dogmatiques, ce qui se transmet de bouche en bouche et d’âge en âge pendant des siècles, ce qui semble faire partie du fonds de vérités élémentaires commun aux hommes de tous les pays, les plus distants comme les plus différents entre eux, évidemment cela est incontestable, fondé en droit et en raison, appuyé de l’assentiment de tous. Il est convenu qu’il n’y a plus à en discuter, de même que de ces bonnes expériences physiques qui, répétées dans des lieux et des temps divers, produisent toujours les mêmes résultats.

Hélas ! et dire que ce sont précisément les choses les plus anciennes, les mieux établies, qui sont presque toujours les plus fausses et souvent les plus injustes. Montrez-moi une grosse erreur, quelque grande iniquité, et je vous dirai qu’elle a l’âge du genre humain. C’est la vérité qui est récente ; et la vérité, chose très-claire, très-évidente, très-facile à découvrir pour des êtres qui sauraient conduire leur raison, devient introuvable par l’homme, si ce n’est à force d’études et de labeurs. C’est sa simplicité même qui la rend difficile à établir ; il y a tant de choses insensées et injustes, qui sont nécessaires, que le pauvre bon sens ne peut plus se faire une place.



Avant que les hommes se fûssent décidés, il y a guère plus de trois siècles, à diriger l’étude scientifique par la méthode et par l’expérience renouvelée sur la matière, le préjugé avait envahi jusqu’à la science même.