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CHRONIQUES

nifiant un véhicule quelconque glissant sur la neige ou sur des lisses, avait une signification plus saisissante que celui de train qui est tout spécial et technique ; je jugeai en conséquence, que ce qui eût été une faute dans ma bouche ne l’était plus dans celle de l’homme qui m’avait abordé, et qu’il restait tout aussi bon, tout aussi vrai canadien-français que moi qui eûs reculé d’horreur à la seule idée de ce pauvre e muet à la fin du train ; seulement j’en vins à penser au titre de ce chapître, et je sondai de nouveau les abîmes du raisonnement.

Qu’est ce qui gouverne le monde ? C’est le préjugé. La raison n’y est encore pour rien, et la routine n’est que le préjugé sous un nom différent. Avec des mots on conduit les hommes ; telle devise prend l’autorité et la force d’un principe ; elle se transmet de génération en génération, et, même lorsqu’elle n’a plus de sens, elle conserve encore une consécration poétique, un prestige qui écarte la puissance et la vertu des faits. Le souvenir a une attraction merveilleuse, et le passé, mis sous forme d’adage, a un charme qui captive jusqu’aux esprits les plus sûrs et les plus précis. Le fond des choses disparait sous la forme qu’elles revêtent, et voilà pourquoi l’on se passionne pour certaines institutions, à cause du nom qu’elles portent bien plus que pour le principe d’où elles sont sorties. Qu’importe aux hommes que le pays où ils naissent et meurent soit une monarchie ou une république ? C’est l’ensemble de leur éducation et de leurs goûts, ce sont les mœurs républicaines ou les mœurs monarchiques qui déterminent la question. Les gouvernants ne