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LE PREMIER DE L’AN
1874.



Encore une année de plus : encore une année de moins. Et quand on a répété ce calcul vingt, trente, quarante, quatre-vingt fois, on s’arrête tout à coup, et l’on reste muet pour l’éternité.

Le plus souvent même on n’attend pas que l’année soit finie ; il y a bien peu de gens qui meurent le 31 décembre, de même qu’il y en a bien peu qui naissent le 1er janvier. C’est sans doute par un esprit de haute impartialité et pour couper court à bien des réclamations, qu’on a choisi spécialement deux jours, l’un pour être la fin, et l’autre pour être le commencement.

Ces deux jours se suivent sans aucune interruption, sans le moindre intervalle. À la minute, à l’instant qui achève l’un, l’autre commence. Sur la route du temps, on ne peut jamais revenir ; il faut marcher, marcher sans cesse ; courbé, flétri, déchiré aux ronces du chemin, hors d’haleine, n’ayant plus même ce souffle de l’âme qui est l’espérance, sans ressort, souvent sans lumière, on marche toujours, éternel supplice, condamnation implacable !