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CONFÉRENCES.

C’est à cette agonie, agonie de lui-même que le peuple de notre province assiste depuis vingt-cinq ans. Il a vu une à une ses plus belles régions s’appauvrir et se dépeupler : il a vu la plus belle ville du monde, sa capitale, accumuler lentement ses ruines et s’en aller vers les choses du passé ; il s’est vu, lui, un des peuples les plus vigoureux et sans nul doute l’un des mieux doués de la terre, contraint de déserter ses foyers et de chercher du travail sur un sol lointain, quand le sien propre regorgeait de trésors. Ce que nous avons de richesses ferait la fortune d’un continent, et cependant nous n’avons pas pu nourrir un million d’hommes ! Nos mines sont inépuisables et, cependant, où sont les bras qui les exploitent, où les chemins de fer qui en transportent les produits capables d’alimenter l’industrie de toute l’Amérique ? L’admirable vallée du St. Maurice offre en vain son sein intarissable à quiconque voudrait le presser, mais à peine quelques milliers d’hommes s’échelonnent sur cet espace que devraient couvrir les puissantes machines de l’industrie. La vallée du Saguenay, si brillante de promesses, il y a quelques années à peine, maintenant se dépeuple, languit et mesure, dans un abandon douloureux, ce qui lui reste de forces pour retarder sa chûte.

Et nous, habitants de Québec, où en sommes nous ? Depuis vingt-cinq ans, Québec n’a pas fait un pas ; au contraire, il a vu disparaître graduellement tout ce qu’il avait acquis jusqu’alors. Cette fière cité n’est plus qu’une suite de ruines, et tout l’effort de ses citoyens se perd à étayer, à soutenir debout des maisons qui s’écroulent, à rapiécer, à combler des crevasses, à refaire du neuf avec du vieux et à blanchir des loques. — Quelques petites industries ont pris