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CONFÉRENCES

d’un désir ardent chez les uns, d’une nécessité inévitable, aux yeux des autres, mais sans qu’on voulût se rendre compte des modifications et des tempéraments que le temps pouvait apporter à cette nécessité et à ce désir. Parce que les uns désiraient l’annexion et parce que les autres la croyaient nécessaire, il eût fallu, d’après eux, la faire sans délai, au risque de la mal faire et d’étouffer, pour un temps peut être bien court, des répugnances qui auraient pu devenir par la suite fatales à l’Union américaine.

Ce n’est pas ainsi que l’envisageaient les grands hommes d’état américains. Jefferson, Adams, Everitt prévoyaient la réunion éventuelle de toutes les parties de l’Amérique du Nord, mais ils ne voulaient pas devancer les événements. Pour eux, précipiter la destinée, c’était la contrarier, et, au lieu de fruits mûrs, ne recueillir que des fruits amers et semer des germes de démembrement futur. Ils comptaient par demi-siècles et quarts de siècles et comprenaient toute la nécessité d’une éducation préalable qui habituât les jeunes peuples environnant la république, à ses institutions, à son esprit public, à ses mœurs. Nous, au contraire, nous n’avons presque jamais parlé d’annexion qu’à la manière des enfants qui crient après un joujou, à la manière des affamés qui se jettent sur un morceau appétissant, ou bien à la façon de ceux dont les espérances déçues ou l’existence déclassée ne leur font plus trouver de remède et d’avenir que dans une révolution.

Un des faits dominants de l’histoire des États-Unis, c’est l’admission successive dans leur sein de tous les territoires de ce continent qui leur ont été nécessaires. En général, ces acquisitions se sont faites paisiblement, le plus souvent par voie d’achat. Ainsi, en 1803, la Louisiane, embrassant