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CONFÉRENCES.

politiques éminents, plus tard convertis à un loyalisme ombrageux et farouche ? Le traité de réciprocité de 1854 vint jeter pendant dix ans une eau de plus en plus froide sur cette ardeur qu’on appellerait irréfléchie si elle n’avait pas envahi les plus fortes têtes. Puis vint la guerre américaine, puis les sympathies sudistes de notre gouvernement d’alors qui creusèrent tout simplement un abîme entre nous et les États-Unis. Ceux-ci se hâtèrent de révoquer le traité de réciprocité, et le gouvernement canadien y répondit en établissant un système de représailles dans la mesure de ses moyens.

Le système de représailles ! ce mot fait sourire douloureusement, quand on songe à la richesse, au bien-être, à l’existence même d’un jeune peuple qu’il exposait par sa puérile arrogance. C’est depuis les représailles en effet que nous avons perdu tous les ans vingt-cinq à trente mille bras, des plus vigoureux.

De ce système provocateur, c’est notre propre pays qui a été la première et la principale victime, et qui s’est coupé les vivres pour jeter une pâture à l’appétit toujours féroce des loyaux.

Savez-vous bien, messieurs, que les chemins de fer canadiens d’alors n’étaient des exploitations possibles et ne pouvaient être sustentés que par le commerce de fret qu’ils commandaient tout le long de la frontière américaine ? Savez-vous que c’était le commerce américain qui, seul, avait nécessité le creusement des canaux Welland et du St. Laurent, et qui continuait d’en payer tous les frais de construction ? En 1869, le trafic local sur le canal Welland, entre les ports canadiens, n’employait que 195, 417 tonneaux, pendant que le même commerce, soit d’un port américain à un autre, soit entre des ports américains et canadiens, exigeait 1, 040, 000 tonneaux, six fois plus.