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NOS INSTITUTIONS,
NOTRE LANGUE ET NOS LOIS.



C’était le 14 février 1874, cent douze ans après la conquête du Canada par la Grande-Bretagne et un mois après la clôture de la session locale, pendant laquelle notre langue avait reçu de nouvelles atteintes plus terribles que les précédentes, et où nos institutions et nos lois auraient sombré sans retour si un ancien honorable ne se fut hâté d’être défait par acclamation dans tous les comtés gardés en réserve pour amortir sa chute.

Il faisait un temps doux, tellement doux, que le pont de glace devant Québec était couvert de longues nappes d’eau ; un vaste miroir, plein de cahots et de perfidies, s’étalait sous le regard inquiet ; la route directe au dépôt du Grand-Tronc à Lévis était devenue impraticable et il fallait traverser droit en face de la ville, pourvu toutefois qu’on osât faire ce trajet la nuit.

Or, il était samedi, huit heures du soir, et j’avais à prendre le train pour Montréal. Retarder mon voyage était impossible ; l’homme ne dispose pas du lendemain, surtout quand ce lendemain est un dimanche, jour que Dieu se réserve spécialement. Je partis donc, je franchis héroïquement le noble fleuve retenu captif, et j’arrivai juste à temps pour prendre le train.

Le Grand-Tronc, depuis un mois, partait exactement à