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VOYAGES

siècle, en voyant se mouvoir, glisser et se disséminer dans toutes les directions un peuple infatigable, en entendant le bruit immense, le bourdonnement confus, lointain, répété, incessant, de cette cité prodigieuse qui toujours travaille, toujours fermente, toujours produit pour concevoir encore l’instant d’après, où les mille échos d’une activité multiple, de l’industrie et de l’entreprise sous toutes les formes, frappent assidûment l’oreille, où l’on voit des merveilles de construction élevées en un clin-d’œil au pris de millions de dollars, où les ruines des fléaux destructeurs, à peine écroulées, sont remplacées par des édifices plus vastes et plus somptueux encore, où le ciel, chargé nuit et jour de la glorieuse fumée d’un travail que rien ne ralentit, brille encore néanmoins, joyeux et éclatant, sur les innombrables toits de la métropole, je ne pus m’empêcher d’une admiration vertigineuse et de me sentir dominé, rapetissé, comme en présence de tout ce qui est véritablement grand.


Certes, je n’oserai pas dire que ce soit beau encore, ni remarquable, ni saisissant, au point de vue de l’art et de l’architecture savante, que la ville naissante de Chicago, mais c’est mâle et fier. On aperçoit là l’empreinte des enfans de géants, on ne s’étonne plus de ce que les habitansde Chicago se croient les premiers hommes de l’univers, on leur pardonne une infatuation que justifient tant de prodiges accomplis, on les laisse appeler leur ville le « grenier du monde, » la « cité des jardins du continent » et on lit sans sourire un paragraphe comme celui-ci, que j’extrais d’un auteur américain :

« Les Mille et une Nuits ne contiennent rien de plus merveilleux que le développement de Chicago. Rien au monde n’est plus miraculeux, plus étrange, plus incroyable que ce développement. Si par un seul exemple nous voulions