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VOYAGES

main. Je me retirai. D’heure en heure je revins, puis toutes les demi-heures, puis tous les quarts-d’heures. À sept heures, il n’y avait pas encore de message envoyé de New-York. Jusqu’à minuit, j’allai d’un bureau de télégraphe à l’autre demander s’il n’y avait pas de dépêche pour l’agence Bradlaugh. Rien, rien, rien. Le lendemain était le 4 juillet, et tous les bureaux seraient fermés ; le surlendemain, c’était le dimanche ! Toutes les craintes et toutes les inquiétudes revinrent à la fois en grossissant dans mon cerveau. La dépêche que j’avais reçue était-elle apocryphe ? Que signifiaient tant de retards ? Pourquoi me donner une espérance qui, se changeant en déception dans l’état où je me trouvais, pouvait me faire perdre la raison ? On ignorait sans doute que toutes mes nuits et mes jours se passaient dans une angoisse mortelle, que je ne vivais pas, que la fièvre seule me soutenait, que j’étais à bout de tous les moyens factices d’entretenir mon énergie. À deux heures du matin je me rendis à l’un des bureaux de nuit, et j’adressai une dépêche suppliante : « Au nom du ciel, disais-je, tirez-moi de cet enfer ; dites-moi comment mon argent doit me parvenir, je ne puis plus vivre ainsi. »

Toute la journée du 4 juillet se passa, les gamins tirèrent un nombre infini de pétards dans les rues ; les drapeaux s’étalèrent sur les édifices publics, les magasins furent fermés et tous les bureaux désertés. Le lendemain, dimanche, se passa encore et le télégraphe resta muet. Le lundi, j’étais devenu farouche, le désespoir grandissait en moi et je sentais