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VOYAGES

Je retournai aux bureaux du télégraphe : c’est ainsi que je passais la journée entière, ou bien encore, j’allais à l’arrivée de tous les trains, et le soir, entre sept et huit heures, je faisais une promenade dans les bois et les vallées serpentantes qui entourent Omaha. Cette fois encore, il n’y avait pas de réponse au message du surintendant qui, cependant, avait été envoyé depuis déjà dix-huit heures. Alors je compris que c’en était fini de moi. Je n’avais pas voulu m’adresser à ma famille, parce que tous les membres en étaient dispersés à droite et à gauche à la campagne, et qu’il aurait fallu trop de temps pour en recevoir une réponse ; je n’avais pas voulu davantage écrire, parce qu’à tout compter il ne fallait rien moins que dix jours pour qu’une réponse m’arrivât, et j’avais toujours pensé que le langage du télégraphe étant plus énergique, plus pressant, mon horrible position serait plus vite comprise. Mais, pour le coup, je résolus de tout tenter ; j’envoyai quatre à cinq lettres dans toutes les directions et un télégramme que je payai trois dollars, et qui devait arracher les entrailles de mes amis, s’ils en avaient encore.

Lorsque j’eus fini, il était six heures du soir. Je soupai lentement, posément, je relus mes lettres, les affranchis tout comme aurait fait un capitaliste, puis me rendis de nouveau au Telegraph office, déterminé cette fois à commettre quelque crime inouï si je n’avais pas de nouvelles : « There is an answer for you and a right one also, » me dit un des opérateurs que j’avais particulièrement ahuris. « Wait a moment, I will write il down for you ; it is just arrived. »