Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
VOYAGES

tant de perfidie dans un simple billet de banque…… Pourtant, il fallait bien se rendre à l’évidence du chiffre ; la lettre ne contenait qu’un mot : « Mon cher ami, je vous envoie les dix dollars que vous m’avez demandés par votre télégramme de San-Francisco ; que Dieu vous bénisse ; très pressé. » C’était l’opérateur qui s’était trompé et qui avait demandé pour moi dix dollars au lieu de cent, et cette lettre m’arrivait huit jours après son départ du Canada : c’était alors le deux juillet, et elle était datée du vingt-cinq juin. Comment cela se faisait-il ? Il n’y avait pourtant que trois jours de chemin de fer entre Omaha et Montréal ; pourquoi cette lettre en avait-elle mis sept à me parvenir ? je courus au bureau de poste m’informer. Un des employés me fit savoir que les lettres venant du Canada étaient toujours retardées de quelques heures à Détroit, ce qui leur faisait perdre une journée, et qu’elles étaient ensuite régulièrement retenues une autre journée à Chicago pour la redistribution dans tous les états de l’Ouest ; qu’en outre il était très rare que, pour une cause ou pour une autre, sur cette longue distance, les lettres ne fûssent retardées d’un jour ou deux de plus.

Tous ces retards m’eussent été indifférents, pourvu que j’eusse reçu cent dollars au lieu de dix. Mais cela était par trop fort, et il me semblait que le destin abusait : avoir pris la peine d’envoyer un télégramme à onze cents lieues de distance, et le payer trois piastres pour en avoir dix, cela me paraissait une fatalité de mauvais goût ; il y avait bien