Après une heure d’une marche contemplative, je revins à la ville et me mis à parcourir les deux ou trois rues principales. À part les magasins, les banques et quelques hôtels, il était impossible de trouver là autre chose que des saloons où entraient et d’où sortaient tour-à-tour des consommateurs flegmatiques, à la figure ennuyée. Je me rendis à l’hôtel et me dirigeai vers la salle de billard ; là, même spectacle, mêmes physionomies : évidemment, Omaha n’était pas une ville d’une gaîté étourdissante. Vers minuit, je songeai que j’avais à peu près tout vu, et que je pourrais bien aller me coucher, en attendant le lendemain qui serait mon jour de délivrance.
À midi précis, dimanche, je me trouvais au bureau de poste et je demandais ma lettre de change, tout prêt à signer mon nom dans le livre des lettres enregistrées : There is no registered letter for Mr. A. Buies, me répondit un des commis du bureau de poste. Cette parole tomba sur moi comme une douche d’eau froide sur un corps baigné de sueurs. Je n’avais pas de lettre ! Pendant quelques minutes je restai comme abasourdi, cloué sur place ; puis je songeai qu’il pouvait bien y avoir un retard d’un jour et que, sans doute, le lendemain, ma lettre m’arriverait. Je repartis : chemin faisant, j’entrai dans un bureau de télégraphe et envoyai une dépêche pressante à Montréal, pour demander au moins des nouvelles de mon argent et savoir s’il était en route. Ce télégramme me coûta deux dollars et me laissa de nouveau complètement