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VOYAGES

me fallait fumer à outrance pour m’engourdir et trouver cette espèce de calme plein d’agitations sourdes qui deviennent fiévreuses au moment de la réaction. J’essayai de vendre quelques menus objets afin de me procurer un lit dans le Pullman jusqu’à Cheyenne, mais je n’en eus pas le temps, et je repartis de nouveau avec la perspective de passer trois nuits debout ou assis avant d’arriver à Omaha.

La première nuit, je la supportai tant bien que mal ; j’étais encore heureusement dans un wagon de première classe ; je dormis à peu près trois heures dans des postures que je dus changer dix fois, et le matin je m’éveillai bien avant tous les coqs de l’ouest. À deux heures de l’après-midi, nous devions être à Cheyenne. Je ne dirai rien de cette partie de la route qui n’offrit du reste aucun incident, et pas d’autres désagréments que de me rencontrer à toutes les stations avec mes anciens compagnons du Pullman car, et de les éviter de mon côté aussi réellement qu’ils avaient l’air de le faire du leur.

À Cheyenne, le train de la malle resta une demi-heure et me laissa. Quatre heures plus tard je prenais un convoi d’émigrants qui devait me rendre jusqu’à Omaha en un peu moins de deux jours.

Un train d’émigrants n’est pas précisément un train spécial. Il ne faut pas s’en exagérer la splendeur ni les agréments, encore moins la rapidité. Le train d’émigrants met quarante heures à faire le trajet que le train de la malle fait en vingt-six ; ainsi donc, le train que j’avais laissé allait ar-