Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
VOYAGES

Contre ce coup de massue j’essayai de faire bon cœur ; je me dis que je me nourrirais de pain, de fromage et de lait pendant trois jours, et qu’une fois arrivé à Omaha, je serais sauvé. Le conducteur du train vint à moi ; « Savez-vous, me dit-il, quel est l’homme avec qui vous êtes allé prendre un verre à la dernière station ? C’est le chef de toute une bande de joueurs organisée pour dévaliser les voyageurs sur la route du Pacifique. Depuis un an nous essayons de le prendre en quelque délit flagrant qui le mette à notre merci, mais il nous échappe toujours. Voyez l’effronterie de cet homme. Il a été jusqu’à offrir à la compagnie du chemin de fer de lui payer trente mille dollars par an, à la condition qu’elle lui laisse exercer son industrie dans le train même ; mais comme il a été remercié, il en est réduit à attirer les voyageurs, comme il l’a fait de vous, dans quelqu’un des repaires qui sont sur la route. Il se fait de cette façon peut-être cent mille dollars par an ; il n’y a pas plus d’un mois, il a pincé un européen à qui il a fait perdre vingt mille dollars en une heure. Vous n’avez donc pas remarqué les placards affichés dans chaque wagon et qui prémunissent les passagers contre le péril qui les attend ? »…… et il me montrait des pancartes où était écrit en gros caractères cet avertissement que je n’avais guère remarqué, parce qu’il ne me semblait propre qu’aux gens qui ont de l’argent à perdre : « Beware of the card monté players, you will surely be robbed if you don’t » — Gardez-vous des joueurs de monte ; sinon, vous serez volé pour sûr ». — Mais je n’ai pas joué, m’écriai-je, je me suis trouvé pris inopinément dans une caverne de voleurs et ils ont vidé mes poches. Comment ? Je n’en sais rien ; mais toujours est-il que je suis rasé à net. »