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VOYAGES

trouvai donc, au bout de trois ou quatre jours, dégarni de toutes mes espérances et ne voyant devant moi ni perspective, ni amis à faire, ni possibilité même d’arriver à quoi que ce fût.

Cependant j’avais fait, pour ma propre satisfaction, toutes les démarches et toutes les tentatives, mais sans aucun désir, je l’avouerai, de les voir réussir. À mes autres chagrins, la sombre nostalgie, ce mal poignant auquel il n’y a pas de remède et qui rend tout ce que l’on voit à l’étranger amer, douloureux, insupportable, était venue s’ajouter, et grandissait d’heure en heure dans mon cerveau déjà en proie à tant d’autres tourments.

La nostalgie, c’est comme le mal d’amour. À celui qui en est atteint, il faut la patrie absolument, de même qu’à l’amoureux il faut la femme qu’il aime. Tous les raisonnements sont puérils et tous les remèdes impuissants devant cette douleur que tout alimente et qu’une seule chose peut guérir instantanément, la patrie ou la femme. Ah ! qui pourrait dire jamais tout ce qu’il y a dans ces deux mots ? L’un et l’autre sont un monde et chacun d’eux suffit à remplir le cœur le plus infini dans ses désirs. La patrie, c’est l’ensemble de tout ce qui se rattache à l’homme depuis le berceau jusqu’à la tombe ; c’est le foyer, la famille, les amis, les douces habitudes de chaque jour, cette multitude de petites choses qui font comme partie de soi, et qu’on ne peut remplacer ailleurs. Dans la patrie, un arbre, un rocher, une rivière, un bocage, n’ont plus le même