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VOYAGES

s’étonner et qu’on aurait l’air naïf. Il n’est pas permis à San-Francisco de trouver rien de curieux, parce que tout y est curieux et que le lendemain varie déjà d’avec la veille.

Les Chinois y abondent ; on dirait qu’ils forment la grande moitié de la population ; ils remplissent les petites industries, celle du blanchissage surtout dans laquelle ils sont passés maîtres. À chaque coin de rue presque, vous trouvez une petite blanchisserie chinoise où 7 à 8 hommes, jour et nuit, lavent, empèsent et repassent. Chose singulière ! on voit rarement des chinoises dans les rues ; que font-elles ? je n’ai pas eu le temps de l’apprendre ; mais toujours est-il que la vue continuelle de mon sexe, même sous la forme nouvelle et fantasque d’un chinois, commençait à m’agacer, lorsque, tout à coup, quarante-huit heures au moins après mon arrivée, je vis passer une créature quelconque avec deux longues tresses de cheveux pendant jusqu’aux genoux de chaque côté de la tête. Son costume différait peu de celui des chinois que j’étais habitué à voir ; le pantalon seulement avait plus d’ampleur, la jaquette était plus large, le pied beaucoup plus petit et la figure moins écrasée. C’était une chinoise…… enfin ! Je regardai cette fille du Céleste Empire, qui avait déjà le dos tourné et qui fuyait sans se rendre compte de l’intensité de mes regards qui la parcouraient en tous sens. Sans ses deux tresses de cheveux j’aurais passé droit, mais que faire devant cette révélation inattendue ? Je n’en étais pas encore à m’écrier : « Voir une chinoise, et puis mourir ! » mais j’avoue que je désirais vivement en avoir le cœur net, et que ce n’était pas trop de la vue d’une seule chinoise contre tant de chinois dont je commençais à être blasé. Du reste, c’est la seule que j’aie aperçue ; mais j’ai appris en-