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VOYAGES

dans ma vie errante, que j’ai éprouvées sur tout le parcours des Sierras-Nevada ; je ne pourrai pas les retracer, mais si j’arrive seulement à en retrouver quelques reflets, j’aurai fait beaucoup pour le lecteur, et pour moi-même qui en ai conservé un impérissable souvenir……

La petite ville de Truckee est entourée de neige pendant toutes les saisons de l’année, sous un soleil radieux et piquant. Mais à côté de la neige sont les fleurs ; les glaciers des montagnes creusent leur lit et y restent, mordus en vain par le soleil qui ne peut percer leur épaisse couche, tandis que tout auprès la végétation revêt ses plus scintillantes couleurs.

Quatorze milles plus loin est le Sommet, le point le plus élevé qu’atteint le chemin de fer dans les Sierras. Nous y sommes à une hauteur de sept mille pieds, avec la perspective lointaine des plus hauts pics qui s’élèvent jusqu’à dix et onze mille pieds au-dessus du niveau de la mer. C’est ici la ligne de séparation des eaux qui descendent des montagnes et qui toutes vont grossir une seule rivière, la Sacramento, qui débouche dans le Pacifique. Il nous reste deux cent quarante-milles à faire pour atteindre San-Francisco.

Nous touchons au terme ; chacun le sent à la figure épanouie des voyageurs, à leur regard brillant d’espérance. Le ciel, où courent des franges d’azur et de pourpre, envoie mille rayons qui éblouissent le front argenté des Sierras. Sur ces hauteurs qui touchent aux nues, la nature prend un air de fête grandiose qui éclate comme une immense fanfare céleste ; la joie et la délivrance rayonnent dans ces