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CHRONIQUES

pour qui rien n’est plus sacré, pas même l’ordre des saisons. Non, pas même cela. Le désordre est partout et le cataclysme menace toutes les têtes qui ont repris le feutre et le chapeau de castor. De minute en minute on attend le tonnerre ; un craquement terrible, un éboulement formidable à chaque instant retentit ; ce sont les toits qui rejettent leur épaisse couche de glace. Les chevaux se sauvent épouvantés, et les passants, voulant fuir, enfoncent dans des abîmes ; les voitures plongent et replongent ; sous chaque pas, les cahots s’entr’ouvrent béants ; les gouttières gémissent et ploient sous les torrents de cristaux glacés qui les entraînent dans leur chute ; le givre, en longues grappes étincelantes, pend aux arbres courbés jusqu’à terre, aux fils télégraphiques partout brisés et courant sur le sol, poussés par le vent, comme des serpents en déroute. Les chapeaux, les yeux, le nez, le menton, les mains, tout ruisselle et se couvre de paillettes étincelantes comme les stalactites des grottes. Au loin, tout partout, jusqu’aux montagnes où s’assemblent les brouillards, la campagne ploie sous un large manteau de glace sur lequel glissent en bondissant les gouttelettes de pluie, comme des larmes sur le sein d’une mulâtre. Des vapeurs blanches pendent comme des haillons aux flancs des Laurentides, ou se déchirent sur leurs cimes hérissées en voulant s’enfuir avec le vent qui les fouette ; quelques-unes flottent indécises ; les autres se précipitent affolées à travers champs et ravins.

Tantôt elles dérobent le ciel sous leurs longs plis humides ; tantôt, s’entr’ouvrant tout-à-coup, elles versent sur le sol les torrents condensés qui gonflent leurs flancs. La rafale balaie en vain la plaine ; elle n’a plus qu’un son étouffé, et les arbres, enfouis sous le givre, compactes, ramassés, ne