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VOYAGES

que l’homme est près, et qu’il apporte à l’intarissable richesse minérale de cette région toute la rigueur de son activité.

Au point du jour, le dernier jour de ce voyage tant de fois maudit, dès que l’aurore commencera d’envoyer quelques feux blêmes sur les cimes blanches des Sierras, et que ses rayons timides courront comme des souffles sur les pentes boisées, au milieu des gorges s’abandonnant à ses baisers féconds, nous aurons atteint Truckee, le premier endroit qui mérite le nom de ville depuis le départ d’Omaha, et nous sentirons déjà les premières effluves du paradis californien venant à nous sur l’aile de la brise gonflée de parfums.

À Truckee, nous resterons une demi-heure ; cette petite ville est située à peu près au commencement des snow-sheds qui, maintenant, vont s’étendre presque sans discontinuité sur une longueur de quarante à cinquante milles. Nous sommes au milieu même des montagnes qui, de tous côtés autour de nous, dressent leurs sommets couverts de neiges éternelles et entr’ouvrent sous nos pieds des ravines formidables où brillent tous les feux, où s’épanouissent toutes les caresses de la végétation rendue à la liberté. Nous arrêtons, et maintenant, jusqu’à ce que nous ayons descendu le versant opposé des Sierras, les plus sublimes grandeurs de la nature vont se prodiguer sous l’œil insatiable du voyageur : nous en aurons, pendant une demi-journée, de quoi compenser peut-être pour les cinq mortels jours que nous venons de subir.

Je veux me recueillir un moment pour chercher l’image des impressions encore si vivaces, si profondes, peut-être uniques