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CHRONIQUES

dernier ? Qui l’empêchait ? Qui objectait ? Ce n’est pas vous, certes, qui ne vous mêlez absolument que de politique, ni moi qui ai décidé de ne plus faire que de la littérature, et cela au moment où mes amis vont devenir omnipotents, tellement omnipotents qu’ils nous donneront un parlement inouï, un parlement sans opposition.

Ce n’était pas la peine en vérité de tant ménager la pluie durant l’automne, s’il faut que nous payions ces quelques beaux jours déplacés par des rhumatismes, des catarrhes et des bronchites qui ne nous lâcheront plus jusqu’au tombeau. Pas de pluie l’automne dernier ! les canadiens étaient ravis : « Quel beau temps ! » se disaient-ils avec reconnaissance, et ils remerciaient le ciel. Oui, mais ce beau temps amenait les glaces et fermait les rivières à la navigation quinze jours plus tôt que d’habitude. Ensuite, deux ou trois bordées de neige coup sur coup, qui ont enseveli la campagne et noyé la ville, puis plus rien. On demande de la neige en suppliant depuis cinq semaines ; pas d’affaires. Le ciel n’a pas de sac cette année ; il l’a tout vidé l’année dernière, mais en revanche il ouvre ses cataractes. Au lieu d’être gêlés, nous sommes trempés : l’été prochain, il neigera tout le mois d’août et l’équilibre sera rétabli ; voilà comment il faut raisonner.

Or, avant-hier, il pleuvait à verse, c’était le deuxième jour de pluie, chacun sait ça. Nous sommes en plein hiver ; mais cela est indifférent aujourd’hui. Depuis que les principes subversifs des libéraux triomphent, on n’est plus sûr de rien ! Les communeux canadiens ont bouleversé le ciel habitué à n’obéir qu’à notre politique. L’honorable Hector, qui voit là des signes célestes évidents, ne veut plus se présenter dans un pays qui rompt si brusquement avec la routine, et