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VOYAGES

un homme qui paraît ennuyé de la singulière renommée qu’on lui a faite, et qui, après avoir débité d’un air indifférent quelques phrases banales, adresse poliment deux ou trois questions sans autrement se soucier de la réponse qu’il reçoit, s’empresse enfin de reconduire son hôte jusqu’à la porte dès qu’il manifeste la moindre envie de le quitter. Cela s’explique, et l’on ne peut lui en vouloir. L’homme célèbre a dû grandement souffrir dans son amour-propre de l’avide et indiscrète curiosité des touristes ; mais, d’un autre côté, quel triste et affligeant spectacle présente dans sa personne cet ancien spéculateur enrichi, ce trafiquant en religion, que des milliers d’hommes crédules vénèrent comme l’apôtre vivant de l’humanité ! Les femmes mormones que j’ai eu l’occasion de voir ne m’ont paru se distinguer des Américaines que par leur laideur et par le manque d’élégance dans leur toilette. D’après les voyageurs que j’ai consultés, la beauté féminine serait ce qu’il y a de plus rare parmi ces sectaires. »

Je reprends.

Ceux qui veulent aller d’Ogden à la ville du Lac Salé n’ont qu’à prendre un embranchement de chemin de fer de trente-cinq milles qui les y conduit en deux heures et qui les ramène le lendemain ; là ils verront un petit Éden de fleurs et de parterres, et peut-être aussi Brigham Young, dont il me faut dire un mot à mon tour.



Brigham Young, le plus heureux des hommes, a déjà soixante-treize ans passés et presqu’autant de femmes. C’est à faire venir l’eau à la bouche. Pour être de bon compte,