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VOYAGES

à portée du voyageur. Ogden n’est pas une ville incommensurable ; on en ferait le tour en quinze minutes ; mais elle est mignonne, parsemée de bosquets, sillonnée par de petits ruisseaux qu’a amenés l’irrigation, et qui exhalent une fraîcheur d’autant plus suave et délicieuse qu’on y est moins préparé et que la tête est encore remplie de la brûlante atmosphère du désert.

La population d’Ogden est de trois mille cinq cents âmes en chiffres exacts : il faut être précis lorsqu’il s’agit d’une ville peuplée aux deux tiers par des femmes ; en effet, Ogden est une petite ville mormone dont les écoles et les églises sont sous la direction des Saints du dernier jour. Les Saints du dernier jour ! quelle appellation ! je crains bien que les mormons ne s’en lassent dans l’attente. La sanctification par la polygamie est un de ces paradoxes délicieux qui font venir l’eau à la bouche des gentils, et s’ils ne se convertissent pas davantage au mormonisme, c’est que l’excès du bonheur effraie encore plus les constitutions délicates que celui des mortifications.

Nous sommes ici en plein dans le territoire de l’Utah qui a vingt-deux mille lieues carrées et qui abonde en mines d’or, d’argent et de fer ; je ne veux pas appuyer sur ce dernier détail toujours navrant pour des voyageurs comme moi. L’Utah fut d’abord établi en 1847 par les mormons cherchant un refuge contre la persécution dont ils étaient l’objet, et en 1849 eut lieu la première élection du gouverneur qui n’était autre que Brigham Young. L’Utah