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VOYAGES.

shones, et même des Pawnies, Ils sont tous infectes, à demi nus, repoussants ; ils viennent mendier, enveloppés dans une couverture sordide qui traîne d’un côté et ne couvre qu’une épaule ; les femmes surtout sont horribles à voir. Et dire qu’on a fait tant de poésie et tant de romans sur les ancêtres de pareilles créatures !

J’ai vu une indienne dont toute la figure et le front, à l’exception du nez et de la bouche, étaient couverts de goudron. Bien des voyageurs surpris la regardaient, sans arriver à comprendre ce que pouvait signifier une pareille fantaisie ; je m’approchai d’elle et lui demandai en anglais de m’expliquer le goudron ; elle ne comprenait ni mon langage ni mes gestes ; j’avais beau me porter la main d’une oreille à l’autre et des cheveux au menton, c’était comme si j’avais parlé au grand Turc. Enfin deux ou trois autres Indiennes, qui se trouvaient avec elle, après une consultation fort vive, m’apprirent que ce goudron était un signe de deuil, que la goudronnée en question avait perdu son mari depuis trois ans, et, que, dans sa tribu, toute femme qui devenait veuve était tenue de se barbouiller ainsi pendant trois années exactement. Elle en avait encore pour deux ou trois jours, de sorte que j’étais arrivé juste à point pour jouir de ce spectacle ; c’est la seule chance que j’aie eue dans tout mon voyage ; aussi je lui consacre un paragraphe.

Quant aux Chinois, ce sont des êtres intéressants en vérité. Ils fourmillent sur la route du chemin de fer ; le fait est qu’ils en ont été dès l’origine les principaux ouvriers : ces hommes-là travaillent pour presque rien et se nourrissent d’un peu moins. Ce sont en général de petits hommes jaunes, anguleux, dont la longue queue tressée derrière la