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VOYAGES.

en moins de cinq jours, cela commence à compter ; on le sent à ses articulations et à ses reins. Quant à la tête, il n’y en a plus ou à peu près ; elle fait l’effet sur les épaules d’une terrine dans laquelle on ferait sauter des cailloux. Arriver tout bossué, tout craqué, tout moulu chez les mormones, ne serait peut-être pas du goût de ces dames ; aussi les voyageurs, fiers de leur personne, passent-ils outre et ne prennent pas l’embranchement de trente-cinq milles de longueur qui conduit d’Ogden à la ville du Lac Salé.

Pour moi, j’avais encore bien plus de raisons de ménager ma bourse que mon extérieur, que je méprise du reste à cause du peu que j’en ai toujours tiré. On ne peut en effet faire ce court trajet entre Ogden et la ville des mormons, quand même on n’y resterait qu’une journée, sans qu’il en coûte au moins vingt dollars. Le voyage seul revient à six dollars, l’hôtel à cinq, et il en reste neuf qui fondent sans doute sous le regard de tant de femmes ou qui s’en vont en souvenirs d’une aussi intéressante visite.

Mais suivons notre route. On laisse Cheyenne après y avoir passé une demi-heure à se restaurer et à se désaltérer tant bien que mal. C’est d’ici que part le chemin de fer à voie étroite — deux pieds et demi seulement de largeur et cent six milles de longueur — qui conduit à Denver, dans le Colorado, à travers le pays le plus accidenté, le plus curieusement pittoresque qu’il y ait au monde. Maintenant, nous allons voir apparaître les Indiens et les Chinois. Les indiens ! pouah ! ce sont des Cheyennes, des Arapahoes, des Shoe-