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VOYAGES.

trajet ; elles ont toujours quelque compagne sinon un compagnon ; en outre, tous les égards et toutes les commodités sont pour elles, ce qui offre une compensation appréciable.

Il y a toutes les sortes de monde possible sur ce chemin du Pacifique, qui est la seule route d’un littoral à l’autre du continent américain ; mais, hommes et femmes, quel que soit l’habit qu’ils portent, quel que soit leur luxe ou leur richesse, ont presque universellement un aspect vulgaire et des façons qui sentent la boutique. Parmi les femmes, quelques-unes affectent de la hauteur et de la transcendance, surtout lorsqu’elles sont chargées de bijoux et qu’elles ont pris l’un des deux compartiments réservés qui sont à chaque extrémité du Pullman car ; les maris ou les fils de ces dames cependant, restent assez unis et n’ont pas l’air convaincus d’une supériorité quelconque ; c’est toujours cela.

On ne s’amuse pas beaucoup avec des voyageurs de ce calibre, et leur conversation, quand il leur arrive de se desserrer la bouche, manque de piquant. L’artiste et le poète se trouvent au milieu d’eux dans une solitude plus profonde que celle du cachot, et cette solitude s’accroît encore de l’irritation qu’on éprouve à voir autour de soi tant d’êtres avec qui l’on ne peut entamer le moindre sujet sympathique ou instructif. J’avais entendu dire en partant de Montréal et ensuite de Détroit :

« Quel délicieux voyage vous allez faire ! il y a toujours nombre de Français qui vont de New-York à San Francisco ; vous aurez des distractions à l’infini ; le trajet est long et