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VOYAGES

rances furtives pour des remèdes certains, mais le regret veille toujours et la cicatrice durcit, mais ne se ferme jamais.

Demandez au prisonnier renfermé pendant vingt ans s’il a oublié qu’il était libre ; non, demandez-lui plutôt si, de jour en jour, il ne sent pas et ne regrette pas davantage la liberté. Voyez dans leur cage la morne allée et venue des bêtes fauves, arrachées au désert, altérées d’horizon, avec leur grand œil ivre du souvenir du simoun, et qui dévorent tristement leur maigre provision d’espace ; voyez le bâillement navrant de tous ces captifs ; comme ils arpentent avec une monotonie infatigable ce plancher inflexible qui mure des pas autrefois sans bornes, qui plafonne le bond et qui encaisse des regards habitués au lever des étoiles. Ils ne vivent plus, ils meurent lentement. La vie n’est pas seulement le souffle, elle est dans le bonheur ou l’espérance qui ranime ; en dehors de cela il ne reste plus que la machine humaine, poussée par ses ressorts ; une seule heure de joie entière contient plus de vie que dix ans passés à la poursuite d’un but qu’on ne s’est donné que par compensation.


VI.


Je crois l’avoir dit plus haut : pour aller de Chicago à Omaha, il faut une journée entière ; on quitte Chicago à dix heures du matin et l’on arrive à Omaha le lendemain à la même heure ; le trajet est de cinq cents milles exacte-