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d’un de ses hôtes par des baisers brûlants ; tout, sur l’île d’Héléna, appartient à son seigneur et maître, jusqu’aux bolithes qui tombent du ciel, et dont quelques uns ont depuis orné mon musée d’objets célestes. En mettant le pied sur son île, Horace est le roi et le conquérant de tout ce que foulent ses pas ; conquérant en vérité ! car, pour chaque pouce de terre livré à la semence, il lui faut combattre les bois touffus, les broussailles entremêlées et les ravages des glaces du printemps sur les flancs fragiles d’Héléna.

Île bizarre ! Île mystérieuse ! Est-ce elle qui a surgi des profondeurs du lac, ou bien est-ce le lac qui l’a laissée à sec en se retirant petit à petit ? Toujours est-il que sa formation ne ressemble à rien de ce que nous voyons sur les rivages et les îles du Saint-Laurent. Elle abonde en coquillages et en squelettes antédiluviens pétrifiés. J’ai vu des centaines de coquillages pris ensemble dans une seule masse de pierre, d’innombrables éclats de pierre à chaux, enfin une rangée de couches schisteuses, formant l’ardoise la plus brillante et la plus polie, s’élevant en amphithéâtre du rivage jusqu’à une hauteur de vingt pieds ; à leur sommet ces couches se pulvérisent d’elles-mêmes, et toute leur poussière retombant sur le sol le féconde et le vivifie. Ce travail de pulvérisation est presque sensible à l’œil nu, quand on regarde attentivement les racines des arbustes qui y prennent naissance. J’ai vu encore des cèdres, des pins et des ormes superbes qui forment comme un dôme feuillu à ce petit domaine réellement féerique qu’on croirait être une poignée de terre échappée à l’étreinte d’un titan ; j’ai vu de plus des bolithes, tombés là on ne sait quand, et dont l’éclat