Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

festation était organisée, le canon retentissait du haut de la citadelle, le parlement et le bureau de poste, deux édifices du gouvernement, déployaient dans l’air d’immenses tentures qui traversaient les rues ; une chapelle ardente avait été dressée par des mains habiles à bord du bateau qui contenait les restes du chef tory, un corbillard, traîné par six chevaux et accompagné de huit honorables portant les coins du drap, avait été commandé pour la circonstance, rien enfin ne manquait aux apprêts, et le 9 juin 1873, jour de l’arrivée du steamer Prussian, allait devenir un jour à jamais mémorable, à jamais empreint dans la mémoire du peuple de Québec.

Hélas ! l’administration propose et le peuple dispose. Jamais convoi d’homme public ayant joué un grand rôle n’a reçu moins d’hommages spontanés, ni ne fut à la fois entouré d’un pareil déploiement de démonstrations extravagantes, excentriques, frisant presque le ridicule par leur exagération, je dirai même par leur inconvenance. Ce n’est pas un jugement que je porte en ce moment ; je ne fais que constater, je ne me fais que l’écho d’un grand nombre d’appréciations plusieurs fois répétées et presque toutes analogues.

À la place des différentes professions, des différents corps convoqués, pour ainsi dire sommés de marcher dans leur ordre respectif à la suite du cercueil, et de la foule énorme qu’on s’attendait à voir accompagner la dépouille de celui qui était représenté comme un des grands types de notre nationalité, comme une gloire chère à tous les Canadiens, quels qu’ils fussent, qu’a-t-on vu ? Quelques militaires, personnages très officiels, avec des sabres très retentissants et des bottes impo-