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en Canada, s’est voué à une vie d’incessants et pénibles labeurs. On avait conservé pour sa mort, arrivée dimanche dernier, toutes les décorations funéraires qui ornaient la cathédrale lors du libera officiel chanté en l’honneur de sir George. Ces décorations étaient de longues draperies noires et blanches s’étendant d’un côté à l’autre de la nef, des crêpes couvrant les autels, des tableaux, enfin des tentures déployées du haut des jubés et entourant la vaste église d’un cercle lugubre.

Je ne sais pourquoi, mais toutes ces décorations, disposées à grands frais et rendues imposantes bien plus par la pensée de la mort que par leur seul aspect ou la solennité de la circonstance, avaient, au simple enterrement de Dessane, une physionomie de douleur et de regret qu’on eût en vain cherchée lors de l’orgueilleuse et excessive démonstration faite à la dépouille du ministre canadien.

Jamais, non jamais, malgré tout l’éclat dont on a voulu l’entourer, malgré la pompe de commande et toutes les marques extérieures d’un deuil public, cérémonie funèbre laissa-t-elle moins d’impression, eût-elle une physionomie plus indifférente, plus froide, plus étrangère, pour ainsi dire, à son objet. Une foule énorme de curieux assistaient à un spectacle, mais il n’y avait pas un visage, pas même un visage officiel capable de revêtir seulement l’apparence de la tristesse. On avait convoqué les différentes professions, les différents corps sociaux à former en ordre le cortège funèbre ; on avait fait un programme qui annonçait la participation sans restriction de toutes les classes au malheur qui frappait une famille, un gouvernement, un parti ; longtemps à l’avance une somptueuse mani-