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tour ? C’est fort méritoire ; mais que l’on mette dix ans à acquérir cette capacité, voilà ce qui rend l’axiôme d’une pratique trop restreinte et d’une conception trop difficile.

J’admets que le principe établi par la Minerve n’a même pas besoin d’être discuté, mais il met lord Dufferin dans une situation formidable. En effet, lui seul va être chargé désormais de faire manger à tour de rôle les députés de droite et de gauche ; les lieutenants-gouverneurs n’y auront plus aucun droit. En outre, et ce qui est bien plus terrible, l’honorable Langevin, en supposant qu’il reste au pouvoir une session de plus, va y laisser toutes ses épargnes. Avant de formuler son axiôme, la Minerve aurait bien pu songer qu’il va devenir ruineux pour son chef d’occasion, celui que la fatalité lui impose aux dernières heures, et qui n’est à la tête que pour avoir bien su tenir la queue, comme la Minerve le reconnaît elle-même.

En voulant trouver une excuse à la longue persévérance de son chef dans l’obéissance, la Minerve ne craint-elle pas de le réduire au désespoir et de lui enlever le fruit de tant de labeurs parcimonieux ? Mettre l’honorable Hector dans une obligation semblable à celle où se trouvait l’homme de bronze qui, lui, n’épargnait rien, et qui ne gouvernait souvent qu’à force d’omelettes et de galantines, c’est ériger la cruauté en principe, c’est vouloir faire une victime au nom d’un axiôme, sacrifier le compagnon du bain à une formule, et, pour le plaisir d’émettre une vérité