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chaque être est dans un état continuel de perfectionnement. Cet état durera-t-il toujours ? Oui, puisque le temps n’a pas de fin. Éternité veut dire perfection.

« J’ai habité comme toi la terre et je l’ai arrosée de larmes. Aujourd’hui l’espérance me porte sur ses ailes dans l’infini des cieux. Mon âme embrasse des mondes inconnus de toi ; je vois comme un jour éclatant ce que les hommes appellent des mystères, parce qu’il n’y a de mystères que pour l’ignorance. Je contemple face à face la vérité que les hommes appellent souvent l’erreur, parce que leurs passions perverses leur cachent la lumière…

Mourir ! c’est une chose que je ne comprends pas. Il faudrait pour mourir, ce qui serait vraiment la mort, c’est-à-dire l’extinction complète de la vie et de la pensée, une philosophie au-dessus des forces humaines. Non, je ne me sens pas capable de tomber dans le néant ; non, je n’ai pas le courage de n’être un jour qu’un cadavre hideux, masse infecte rongée par les vers.

Cette seule pensée me fait plus d’horreur que si je voyais la terre éclater, jetée à tous les vents de l’espace, et moi-même précipité de mondes en mondes dans l’infini.

Je dis qu’il est absurde, illogique, impossible de naître pour mourir. Je dis que si l’homme devait mourir, il n’aurait pas eu la pensée en partage, car la pensée et le néant se repoussent.

Peu importe d’où vient la pensée, qu’elle soit une