convoi funèbre de chaque année qui disparaît. On sait que le 31 décembre est invariablement le jour de la Saint-Sylvestre ; les saints ne doivent pas être entre eux d’aussi bons amis qu’on serait porté à le croire, puisqu’il ne s’en trouve pas un qui veuille épargner à saint Sylvestre une pauvre petite fois cette besogne funèbre. C’est un métier qui me paraîtrait pénible, à moi, simple mortel, que de rogner toujours, toujours, tous les ans, au temps un bout de ses ailes, sans jamais en finir, et je trouve que d’habiter le ciel à ce prix, ce n’est pas en jouir.
Il y a un vieux proverbe qui dit : « tout nouveau tout beau, » comme si c’était du nouveau que de vieillir, et comme si c’était bien beau que de s’enlaidir de plus en plus ! Hélas ! je connais bien des choses déjà vieilles qui sont beaucoup plus belles que toutes celles que j’attends désormais, et le proverbe ne m’en consolera pas.
Vieillir, quelle horrible chose ! S’acheminer lentement, mais irrévocablement, à la perte de tout ce qui faisait sa force et sa gloire, se sentir miné sourdement sans jamais éclater, voir ses dents jaunir petit à petit sans que le Philodonte, ou le Sozodonte, ou tous les odontes du monde y puissent rien, s’approcher tous les jours du terme fatal au bout duquel est la mort qui ne manque jamais son coup ; voir tout autour de soi se faner, se flétrir et disparaître, avec la certitude qu’il nous en arrive autant à chaque instant de plus que l’on croit vivre pendant que l’on meurt à petit feu, quelles autres perspectives puis-je vous offrir, lecteurs bien-aimés, quand bien même je vous ferais les souhaits les plus radieux et les plus savamment trompeurs ?