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étranges qui marquent toutes les actions humaines, lorsque les villageois et villageoises d’alentour jugent à propos d’avoir des danses folles pendant toute une nuit, les quatre filles Chalmers fuient comme des hirondelles le vieux toit du bonhomme et se livrent à une chorégraphie infatigable qui met sur les dents les plus intrépides valseurs et giggeurs.

Après la danse, fût-il cinq heures du matin, toutes quatre sont à l’ouvrage, attisant les feux, balayant, charroyant, portant les fardeaux, préparant les repas. C’est un spectacle unique et superbe, quand on peut en jouir à la dérobée, que celui des trois cadettes dans leurs robustes opérations. Le bonhomme Chalmers, pendant ce temps, fume sa pipe à côté du grand poële, ou bien attèle ou détèle des chevaux. Je vous l’ai déjà dit ; dans la Baie des Chaleurs, ce sont les femmes qui travaillent, les hommes n’en ont pas besoin. Sarah fait à elle seule plus d’ouvrage et se donne plus de mouvement qu’une compagnie de volontaires un jour de revue.

Maintenant, pourquoi ai-je parlé si au long de l’hôtel du père Chalmers qui semble ne pas mériter un si grand intérêt ? C’est d’abord parce que je lui garderai une reconnaissance éternelle pour m’avoir chauffé et fait voir les seules femmes montrables de toute la Baie des Chaleurs, et, ensuite, parce que c’est une maison unique qui, à elle seule, est un tableau des mœurs de toute cette contrée.

L’endroit où habite le père Chalmers n’a pas de nom ; on dit simplement « Aller chez Chalmers, » comme on dirait « aller à Lachine. » Ce patriarche résume tout dans trois lieues à la ronde. Lorsque l’Intercolo-