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CHRONIQUES

vie étant pour eux trop facile ; ils n’ont qu’à lever la main pour avoir le plus beau poisson et le plus fin gibier ; les pièces exquises que nous recherchons tant et qui ornent nos tables de festins, ils les dédaignent ; la morue fraîche, le homard, les canards, les perdrix sont pour eux des plats vulgaires auxquels ils ne songent même pas. Pour le chauffage, il n’est d’homme assez pauvre qu’il ne puisse se procurer du bois à discrétion ; les terres sont d’un prix nominal et donnent, pour un peu de culture, des produits magnifiques ; nulle part, sur tout le continent américain, on ne saurait voir d’aussi belles races de bestiaux, des porcs aussi gras, des pommes de terre plus grosses et plus nourries que dans cette contrée fortunée dont bien peu de Canadiens connaissent la richesse agricole. Il n’y a de pauvres, dans ce pays, si toutefois on peut les appeler de ce nom, que ceux qui se font journaliers ou pêcheurs au service de quelque grand établissement. Tous ceux qui se livrent à la culture sont dans l’aisance ; les terres sont moins grandes qu’en Canada, mais produisent infiniment plus ; les quelques personnes qui, cependant, ont voulu faire de grandes exploitations agricoles, sont arrivées à des résultats qui nous jetteraient dans l’admiration. Qu’on aille voir les fermes des Fergusson et des Fraser, où paissent des centaines de bêtes-à-cornes et trente à quarante chevaux, et l’on s’étonnera qu’un pareil pays soit si peu connu et si peu habité.

Les Acadiens et les Écossais, qui constituent le plus grand nombre de ceux qui habitent les rives de la Baie,