couvertes de pâturages veloutés ; au bas, une petite suite de quais, des bateaux-pêcheurs, des goëlettes et quelques brigs balançant leurs voiles amollies au souffle tiède qui s’échappe du rivage ; quelque chose d’agreste, de naïf et de vigoureux comme le premier jet d’une grande création. Le bassin de Gaspé a du géant et de l’enfant, il étonne et charme, il a une harmonie délicate et saisissante à la fois ; c’est un bébé qui fait la tempête dans son berceau.
En quittant le bassin de Gaspé, nous remontons la baie qui, comme je vous l’ai dit, a vingt-et-un milles de long, jusqu’à Percé qui est sur le Golfe même. Cela nous prend près de deux heures. Notons en passant que Gaspé est le seul port sur toute la ligne des bateaux du Golfe où l’on mouille au quai même ; partout ailleurs, il y a trop peu d’eau et l’on débarque dans des chaloupes qui viennent du rivage chercher le fret et les passagers.
Percé est une des curiosités du Saint-Laurent. Si l’on croyait tous les récits fantastiques, auxquels la tradition ajoute son prestige, qui se débitent sur ce roc formidable, projeté dans une mer toujours houleuse, souvent orageuse, comme un défi audacieux de l’écueil à l’abîme, on n’en approcherait qu’avec une terreur mystérieuse mêlée d’angoisse. Percé proprement dit est un village de deux cents feux, établi sur un promontoire qui semble garder l’entrée du Saint-Laurent : ce promontoire n’a pas de hauteur, il n’approche en rien de nos montagnes du nord ; mais il est rugueux, menaçant,