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CHRONIQUES

nez des patients et de leur chatouiller la plante des pieds avec des plumes de Kac-ari.

Les trois généraux, qui étaient encore très vivants et dans un état nerveux facile à comprendre, se mirent à pousser des hurlements ; le roi se tordait de rire. Grâce au mouvement terrible qu’ils se donnèrent, les patients descendirent rapidement le long du pal ; aussi, au bout d’un quart d’heure, expiraient-ils dans d’atroces convulsions.

Évidemment, ce roi de Birmanie manquait d’aménité ; mais, à tout prendre, il n’était pas plus cruel que les électeurs, et je trouve le sort des généraux moins horrible que celui d’un candidat.

À vivre à la campagne quelque temps, savez-vous qu’on finit par s’assimiler presque entièrement à ce qui vit et respire autour de soi ? On devient aux trois quarts bœuf, et l’histoire de Nabuchodonosor se répète sur une échelle illimitée. Pour ne pas déplaire aux électeurs nationaux répandus dans nos vertes campagnes, je dirai que c’est là une impression qui m’est tout à fait personnelle ; veuillez suivre mon explication.

Avant-hier, jour à jamais mémorable, j’étais allé passer la soirée avec un de mes amis fraîchement arrivé de Montréal ; mon ami est un citadin obstiné qui trouve ridicule qu’on fasse des malles énormes, qu’on abandonne ses affaires, qu’on dérange ses habitudes, pour venir s’ennuyer huit jours durant dans des endroits où l’on ne trouve ni café potable, ni omelettes