Au reste, les deux exécuteurs, dont j’ignore le nom et auxquels je n’ai pas été présenté, ont failli se faire estourbir par la foule. Il n’y a donc aucune raison de les encourager dans cette voie.
J’ignore, mon cher directeur, si vous êtes partisan ou non de la peine de mort, et je me garderai bien de faire une discussion de principes ; l’argumentation n’est pas mon fort et j’en ai constaté du reste depuis longtemps la complète inutilité. Un homme passe sa vie à faire triompher une idée incontestablement juste, il la démontre avec une évidence irréfutable, on le croit dangereux ou fou. Ce n’est que quelques centaines d’années après sa mort qu’on lui dresse une statue, alors que toute sa poussière rassemblée ne pourrait pas emplir une tabatière.
Cependant, je dois constater qu’en matière de législation criminelle, les mœurs se sont singulièrement adoucies, et cela en un temps comparativement court. La peine de mort, si fréquente jadis, n’est appliquée aujourd’hui que dans des cas pour ainsi dire exceptionnels. Il faut que le crime soit particulièrement horrible pour que le jury se résigne à prononcer le verdict fatal, et pour que le chef de l’État n’use pas du droit de grâce. Maintenant on cache les bois de justice ; on ne les monte que pendant la nuit, on ne les laisse debout que le temps strictement indispensable. En France, il y a cent ans, le gibet, scellé dans la pierre, tendait son bras sinistre dans les rues et semblait toujours attendre le patient. Il ne se passait pas de se-