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CHRONIQUES

qui fait l’admiration de ceux-là mêmes qui ont navigué sur l’Hudson, entre New-York et Albany.

Je n’avais pas eu le bonheur d’assister au banquet pour plusieurs raisons politiques, économiques et sociales. La raison politique, c’est que je n’avais pas vu sur le programme de la manifestation un seul toast en l’honneur du parti national. La raison sociale, c’est que, de tous mes amis qui n’assistaient pas au banquet, pas un n’a pu me prêter un habit-à-qneue. La raison économique, hélas ! j’en avais plus d’une, mais il y a des choses qu’il vaut mieux laisser dans un oubli profond. Quoi qu’il en soit j’étais à bord du Québec.

Arrivés le lendemain matin, à sept heures et demie, dans la vieille capitale de nos pères que leurs enfants abandonnent, nous fûmes surpris de ne voir aucune réception de préparée en l’honneur de l’avant-dernier représentant de la puissance anglaise en Amérique. « Où sont donc toutes nos forces réunies ? me disais-je. Ni canons, ni tambours, ni trompettes ! Pas de lieutenant-gouverneur, pas d’aide-de-camp, pas même une ordonnance  ». — Ma loyauté en frémissait. Enfin, après avoir longtemps attendu, je me décidai à gravir la côte escarpée qui mène à la haute ville. C’est là qu’un spectacle vraiment magnifique m’attendait. Je me trouvai en face de quatre-vingt-cinq volontaires de l’artillerie qui descendaient l’arme au bras, en costume bleu foncé, avec d’énormes bonnets à poil. Ces volontaires habitent la citadelle et ont le sommeil dur ; cela provient du bruit du canon qui, lorsqu’il est trop répété, finit par rendre sourd.

Ils ont assez bonne mine tout de même ; c’est un joli commencement de forces réunies ; mais pourquoi