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CHRONIQUES

on le voir maintenant dans son humour ? qu’on lise le passage suivant du même discours. C’est la peinture du jeune nouveau-venu à New-York pour y faire de l’argent et qui, le dimanche, passe la journée à se demander ce qu’il va faire :

« Il y a ici des milliers de jeunes gens qui se trouvent comme des étrangers au milieu d’étrangers. Ils travaillent dur tout le jour ; ils couchent au magasin ou se juchent dans les mansardes d’une maison de pension. Quand vient le dimanche, l’un d’eux se lève de son colombier sous le comptoir, ou de son petit lit solitaire, et s’habille pour aller déjeuner. Après le déjeuner, la question est de savoir ce qu’on va faire : « Tom, dit-il à son ami, que te proposes-tu, toi ? — Je ne sais pas, et toi ? — Eh bien ! à peu près la même chose. » Il est alors, disons, neuf heures et demie. Les deux jeunes gens ont dormi, dormi, dormi, et ne pourraient recommencer. Après avoir bien mangé ils se disent : Allons faire un tour dans la rue et voir ce que nous pourrons trouver. »

« Peut-être ont-ils l’intention d’aller à l’église quelque part. Ils errent çà et là, sans préférence pour aucune église, et entrent dans la première qu’ils trouvent ouverte. Ils comptent les personnes qui s’y trouvent, dix, vingt, trente, cinquante ; ce n’est pas assez. « Allons ailleurs, » se disent-ils. Ils se rendent au temple le plus rapproché, et, à leur entrée, deux ou trois personnes les regardent drôlement, comme pour leur dire : « Pourquoi, diable, êtes-vous venus ici ? » Personne ne se lève pour les recevoir : aucune complaisance, aucune courtoisie ne leur est témoignée, car vous savez que ceux qui auraient honte d’être impolis