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CHRONIQUES

assertions et des contre-assertions ; il y avait là pour $500 000 de papier, nouvelle réclamation indirecte à faire valoir plus tard. Le lion britannique, ahuri, essoufflé, lâcha un suprême rugissement : Non possumus.

Alors, ce fut au tour de la presse à présenter ses mémoires ; on se flanqua des tripotées d’articles pendant quatre mois, d’une rive à l’autre de l’Atlantique ; les flots écumaient de menaces éditoriales, et toutes les lignes de steamers n’arrivaient plus qu’avec des cargaisons de provocations.

Ce n’était rien. Le lion britannique, qui avait repris haleine, s’est senti de force à ajouter encore un article à la pyramide de documents sous laquelle gisait la question de l’Alabama. L’article supplémentaire traverse les mers et entre en frémissant dans le cabinet du secrétaire Fish. Le ministre d’État était inondé de sueurs ; il venait de recevoir de Londres une dépêche chiffrée et était en train de l’interpréter avec le général Grant, sans qu’ils pussent se mettre d’accord ni l’un ni l’autre.

— « Vont-ils reconnaître nos réclamations ? — Eh ! non, puisque voilà un article additionnel fait pour les rejeter. — Bah ! un article additionnel n’est pas un refus. — Cela équivaut, et il n’y a pas d’autre sens à lui donner. — Des équivalents ! ah ! bien oui ! ce n’est pas avec des équivalents, moi, que j’ai bombardé Vicksburg. Et puis, ça vous paraît comme cela à vous, mais moi, je ne vois là qu’une nouvelle ficelle pour retarder le paiement de ce que l’Angleterre reconnaît bien devoir dans son for intérieur. — Ah ! tiens, oui, au fait, c’est vrai, le for intérieur ! je n’avais pas songé à cela ; il y a là matière à interprétation. Si nous soumettions