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CHRONIQUES

hardie, c’est de justifier une grève ; il y a eu tant de grèves depuis quelques années, qu’on peut bien me permettre cette audace. Celle dont je parle est la grève des ouvriers agricoles d’Angleterre, provoqués par la Land and Labourer League.

Dans les comtés du nord de l’Angleterre, où les grands centres manufacturiers retiennent presque tous les bras, les travailleurs de la terre sont plus rares et reçoivent de 4 à 5 dollars par semaine ; mais dans le sud, ils n’ont guère que deux dollars. Ce qu’il y a là de paupérisme, d’abaissement et de misère crapuleuse est presque inimaginable. L’ouvrier agricole y vit d’une vie toute animale et végétative ; il ne peut pas même s’élever à la conception d’un déplacement ; l’endroit où il est né est celui où il doit souffrir et mourir ; l’étranger lui est suspect, et l’étranger, pour lui, c’est déjà le village situé à deux lieues de son clocher. Tout mouvement dans cette masse apathique d’hommes ne peut donc que lui faire du bien ; mais comme il est impossible d’apporter un remède rapide à un état de choses qui dure depuis des siècles, le mouvement qui se fait prend la forme d’une vaste émigration agricole ; aussi voit-on qu’il y a, cette année, trois Anglais contre un Irlandais qui quittent le port de Liverpool pour aller à l’étranger.

L’Angleterre est le pays de la croyance religieuse, de la bonne foi personnelle et du fair play. Ah ! le fair-play, il est partout, dans les combats de coqs, dans les batailles de dogues et dans les luttes de boxeurs. Ce n’est pas une raison pour en médire ; tant qu’à se