Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
CHRONIQUES

M. Routhier, l’homme du programme, se rend aux États-Unis ; grande nouvelle ! Il l’annonce lui-même dans le Courrier du Canada, et il a l’obligeance d’apprendre au public qu’il est parti en lisant l’Univers. Il n’y a pas de meilleure préparation, et si M. Routhier lit l’Univers durant tout son voyage, il est incontestable qu’il pourra juger les Américains sans parti pris, comme il en fait la promesse précieuse. Les lecteurs ne seront pas volés lorsqu’il leur donnera à son retour vingt-cinq colonnes de Veuillot en guise d’appréciations ; c’était annoncé. — C’est pourtant bien ainsi que se fait aux trois quarts l’éducation de notre peuple. Réflexion amère !

Nous avons passé jusqu’ici pour une race inférieure et, Dieu merci ! ça n’était pas volé, mais voilà que le Nouveau-Brunswick entreprend notre réhabilitation. Ça surprend d’abord, mais on s’y fait vite et l’on ne devine pas le motif secret ; la louange a la propriété de rendre aveugle, surtout la louange grosse, épaisse. On peut faire brûler n’importe quel encens, pourvu qu’il fume ; il n’y en a jamais de trop grossier, même pour les plus fins esprits ; voilà pourquoi les souverains les mieux doués ne voient jamais les choses qu’à travers un brouillard.

Or donc, le Nouveau-Brunswick, ayant besoin de meilleurs termes, et n’étant plus satisfait de ceux qu’il a obtenus par l’acte de la confédération, demande au