POUR LE « PAYS »
Avez-vous jamais fait cette réflexion que, dans les pays montagneux, les hommes sont bien plus conservateurs, plus soumis aux traditions, plus difficiles à transformer que partout ailleurs ? Les idées pénètrent difficilement dans les montagnes, et, quand elles y arrivent, elles s’y arrêtent, s’enracinent, logent dans le creux des rochers, et se perpétuent jusqu’aux dernières générations sans subir le moindre mélange ni la moindre atteinte de l’extérieur. Le vent des révolutions souffle au dessus d’elles sans presque les effleurer, et lorsque le voyageur moderne s’arrête dans ces endroits qui échappent aux transformations sociales, il cherche, dans son étonnement, des causes politiques et morales, quand la simple explication s’offre à lui dans la situation géographique.
Si une bonne partie du Canada conserve encore les traditions et les mœurs du dernier siècle, c’est grâce aux Laurentides. La neige y est bien, il est vrai, pour quelque chose, la neige qui enveloppe dans son manteau muet tout ce qui respire, et endort dans un silence de six mois hommes, idées, mouvements et aspirations. À la vue de cette longue chaîne de montagnes qui borde le Saint-Laurent tout d’un côté, qui arrête la colonisation à ses premiers pas et fait de la rive nord une bande de terre étroite, barbare, presque inaccessible, on ne s’étonne pas de ce que les quelques campagnes glacées