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CHRONIQUES

eaux du ciel se sont déchaînées. » Déchaîné est le mot ; c’est une vraie rage. L’arche de Noé ne serait qu’une coquille au milieu des torrents qui bondissent dans notre pauvre vieille ville qui sombre. S’il n’y avait que de l’eau encore ! mais les rues sont des marais : on a voulu les macadamiser avec les débris des démolitions, et l’on a fait une boue insondable où hommes et voitures disparaissent. On enfonce, on est englouti, et quand, croyant trouver une planche de salut, on met le pied sur un bout de trottoir, on n’est jamais sûr que l’autre bout ne vous sautera pas à la figure. Ajoutez à cela qu’il y a beaucoup de gens qui se mouchent avec leurs doigts, qu’il faut changer de chaussures six fois par jour, que le parapluie d’autrui vous entre dans l’œil à chaque instant, sans que le vôtre suffise à vous garantir de la pluie, et que la malle de Montréal n’est jamais distribuée avant onze heures du matin !… et cœtera. Tout cela m’agace horriblement et j’en veux au ministère.

J’affirme que les ministres auraient dû adopter le programme catholique : au moins, ils se seraient mis bien avec le ciel et en obtiendraient aujourd’hui de ne pas renouveler le déluge à propos de bottes. Le rire de Dieu évidemment a cessé depuis que M. Routhier a voulu le peindre, et maintenant ce sont les pleurs qui commencent. L’Éternel n’a plus de secrets pour nous.

Si Québec est une fondrière, ce sont les enfants qui jubilent. Avez-vous remarqué comme les enfants aiment à se salir ? Tant que la capitale n’a pas eu de