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ART. XIX. CHANGEMENTS DE TERRES EN MERS.

branche canopique du Nil, en est présentement à plus de sept milles de distance : depuis quarante ans la mer s’est retirée d’une demi-lieue de devant Rosette, etc.

Il est aussi arrivé des changements à l’embouchure de tous les grands fleuves de l’Amérique, et même de ceux qui ont été découverts nouvellement. Le P. Charlevoix, en parlant du fleuve Mississipi, dit qu’à l’embouchure de ce fleuve, au dessous de la Nouvelle-Orléans, le terrain forme une pointe de terre qui ne paroît pas fort ancienne, car pour peu qu’on y creuse, on trouve de l’eau ; et que la quantité de petites îles qu’on a vu se former nouvellement à toutes les embouchures de ce fleuve, ne laissent aucun doute que cette langue de terre ne soit formée de la même manière. Il paroît certain, dit-il, que quand M. de La Salle descendit[1] le Mississipi jusqu’à la mer, l’embouchure de ce fleuve n’étoit pas telle qu’on la voit aujourd’hui.

Plus on approche de la mer, ajoute-t-il, plus cela devient sensible ; la barre n’a point d’eau dans la plupart des petites issues que le fleuve s’est ouvertes, et qui ne se sont si fort multipliées que par le moyen des arbres qui y sont entraînés par le courant, et dont un seul arrêté par ses branches ou par ses racines dans un endroit où il y a peu de profondeur, en arrête mille. J’en ai vu, dit-il, à deux cents lieues d’ici[2] des amas dont un seul auroit rempli tous les chantiers de Paris : rien alors n’est capable de les détacher ; le limon que charrie le fleuve leur sert de ciment et les couvre peu

  1. Il y a des géographes qui prétendent que M. de La Salle n’a jamais descendu le Mississipi.
  2. De la Nouvelle-Orléans.