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THÉORIE DE LA TERRE.

règne des vents d’ouest durables et violents qui poussent avec impétuosité les eaux vers le rivage, sur lequel il s’est formé des dunes dans quelques endroits. De même les vents d’est, lorsqu’ils durent long-temps, chassent si fort les eaux des côtes de la Syrie et de la Phénicie, que les chaînes de rochers qui sont couverts d’eau pendant les vents d’est, demeurent alors à sec. Au reste, les dunes ne sont pas composées de pierres et de marbres, comme les montagnes qui se sont formées dans le fond de la mer, parce qu’elles n’ont pas été assez long-temps dans l’eau. Nous ferons voir dans le Discours sur les minéraux que la pétrification s’opère au fond de la mer, et que les pierres qui se forment dans la terre sont bien différentes de celles qui se forment dans la mer.

Comme je mettois la dernière main à ce traité de la Théorie de la terre, que j’ai composé en 1744, j’ai reçu de la part de M. Barrère sa Dissertation sur l’origine des pierres figurées, et j’ai été charmé de me trouver d’accord avec cet habile naturaliste au sujet de la formation des dunes, et du séjour que la mer a fait autrefois sur la terre que nous habitons ; il rapporte plusieurs changements arrivés aux côtes de la mer. Aigues-Mortes, qui est actuellement à plus d’une lieue et demie de la mer, étoit un port du temps de saint Louis ; Psalmodi étoit une île en 815, et aujourd’hui il est dans la terre ferme, à plus de deux lieues de la mer : il en est de même de Maguelone ; la plus grande partie du vignoble d’Agde étoit, il y a quarante ans, couverte par les eaux de la mer : et en Espagne la mer s’est retirée considérablement depuis peu de Blanes, de Badalona, vers l’embouchure de la rivière