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ART. XIX. CHANGEMENTS DE TERRES EN MERS.

tempête furieuse, amena vers la côte une si grande quantité de sables, qu’ils fermèrent l’embouchure du Rhin auprès de Catt, et que ce fleuve inonda tout le pays, renversa les arbres et les maisons, et se jeta dans le lit de la Meuse. En 1421, il y eut une autre inondation qui sépara la ville de Dordrecht de la terre ferme, submergea soixante et douze villages, plusieurs châteaux, noya cent mille âmes, et fit périr une infinité de bestiaux. La digue de l’Issel se rompit en 1638 par quantité de glaces que le Rhin entraînoit, qui, ayant bouché le passage de l’eau, firent une ouverture de quelques toises à la digue, et une partie de la province fut inondée avant qu’on eut pu réparer la brèche. En 1682, il y eut une pareille inondation dans la province de Zélande, qui submergea plus de trente villages, et causa la perte d’une infinité de monde et de bestiaux qui furent surpris la nuit par les eaux. Ce fut un bonheur pour la Hollande que le vent de sud-est gagna sur celui qui lui étoit opposé ; car la mer étoit si enflée, que les eaux étoient de dix-huit pieds plus hautes que les terres les plus élevées de la province, à la réserve des dunes[1].

Dans la province de Kent en Angleterre, il y avoit à Hith un port qui s’est comblé, malgré tous les soins que l’on a pris pour l’empêcher, et malgré la dépense qu’on a faite plusieurs fois pour le vider. On y trouve une multitude étonnante de galets et de coquillages apportés par la mer dans l’étendue de plusieurs milles, qui s’y sont amoncelés autrefois, et qui, de nos jours, ont été recouverts par de la vase et de la terre, sur laquelle sont actuellement des pâturages. D’autre côté,

  1. Voyez les Voyages historiques de l’Europe, tome V, page 70.