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ART. XIX. CHANGEMENTS DE TERRES EN MERS.

Il y a grande apparence, dit Ray, que l’île de la Grande-Bretagne étoit autrefois jointe à la France, et faisoit partie du continent ; on ne sait point si c’est par un tremblement de terre ou par une irruption de l’Océan, ou par le travail des hommes, à cause de l’utilité et de la commodité du passage, ou par d’autres raisons : mais ce qui prouve que cette île faisoit partie du continent, c’est que les rochers et les côtes des deux côtés sont de même nature et composés des mêmes matières, à la même hauteur, en sorte que l’on trouve le long des côtes de Douvres les mêmes lits de pierre et de craie que l’on trouve entre Calais et Boulogne ; la longueur de ces rochers le long de ces côtes est à très peu près la même de chaque côté, c’est-à-dire d’environ six milles. Le peu de largeur du canal, qui, dans cet endroit, n’a pas plus de vingt-quatre milles anglais de largeur, et le peu de profondeur, eu égard à la mer voisine, font croire que l’Angleterre a été séparée de la France par accident. On peut ajouter à ces preuves, qu’il y avoit autrefois des loups et même des ours dans cette île, et il n’est pas à présumer qu’ils y soient venus à la nage, ni que les hommes aient transporté ces animaux nuisibles, car en général on trouve les animaux nuisibles des continents dans toutes les îles qui en sont fort voisines, et jamais dans celles qui en sont fort éloignées, comme les Espagnols l’ont observé lorsqu’ils sont arrivés en Amérique.

Du temps de Henri Ier, roi d’Angleterre, il arriva une grande inondation dans une partie de la Flandre par une irruption de la mer ; en 1446, une pareille irruption fit périr plus de dix mille personnes sur le territoire de Dordrecht, et plus de cent mille autour de